Un changement d’époque
A première vue, le chiffre de 1.16% n’a rien de spectaculaire. Pourtant, il l’est. L’année dernière, la rémunération des avoirs de vieillesse des assurés actifs auprès des caisses de pensions cantonales a en moyenne dépassé de plus de 1% celle des rentiers - concrètement, elle s’est élevée à 2.9% contre un taux d’intérêt technique de 1.74%. Un écart aussi net n’avait plus été enregistré depuis de nombreuses années. La rémunération des actifs se montait à 2.17% en 2019, un niveau légèrement supérieur au taux d’intérêt technique qui était alors de 2.02%; à cette exception près, les rentiers ont systématiquement bénéficié d’une rémunération plus élevée.
Le taux d’intérêt nettement supérieur servi sur les avoirs de vieillesse des actifs en 2021 tient pour l’essentiel à trois raisons: premièrement, le degré de couverture (et donc la réserve pour fluctuation de valeur) de nombreuses caisses de pensions est proche de la valeur cible après dix années de placement positives, deuxièmement, la performance enregistrée en 2021 s’est de nouveau avérée exceptionnelle, et troisièmement, le taux d’intérêt technique a été fortement abaissé. Sa valeur moyenne était encore de 2.23% en 2018: il a donc diminué de 0.5% en l’espace de trois ans, soit plus de 20%.
De nombreux éléments plaident en faveur d’un changement d’époque plutôt que d’un phénomène passager. La situation financière solide des caisses de pensions ne fait pas de doute, et ce constat est encore plus valable en dehors de l’univers des caisses de pensions cantonales examiné ici. Les institutions de prévoyance sont donc bien armées pour faire face à des années de placement plus difficiles. La majorité des caisses a au minimum entamé la dernière ligne droite du processus d’abaissement du taux d’intérêt technique. Ces baisses ont coûté de l’argent qui pourra à l'avenir être affecté à la rémunération des assurés actifs plutôt qu’au financement complémentaire des rentes en cours. Enfin, les taux d’intérêt augmentent, ce qui est douloureux à court terme pour les caisses de pensions mais positif à long terme, car les engagements en cours pourront être mieux financés.
Entrons-nous dans une nouvelle phase caractérisée par une redistribution des rentiers vers les actifs? Non. Si les actifs reçoivent une rémunération supérieure à celle des rentiers, il ne s’agit pas d’une redistribution. Pour être précis, ils supportent - avec les employeurs - tous les risques de la caisse de pensions alors que les rentes en cours sont intégralement protégées, même dans le cas d’un assainissement. Et le risque est indemnisé avec le rendement, selon le principe des placements en capitaux. De plus, les institutions de prévoyance ont également prouvé fin 2021 que les bénéficiaires de rentes n’étaient pas oubliés: nombre d’entre elles leur versent par exemple une 13e rente mensuelle. Vu sous cet angle, le taux de 1.16% mentionné en introduction n’est donc peut-être pas si spectaculaire, car les bénéficiaires de rentes ont souvent reçu un peu plus que «seulement» le taux d’intérêt technique sur leurs rentes.
Dans le numéro 04/22 de «Prévoyance Professionnelle Suisse», vous trouverez un tableau détaillé avec toutes les Statistiques de référence des caisses de pensions cantonales ainsi que trois articles approfondis sur ce thème. Vous pouvez également télécharger ici le tableau Excel avec toutes les données sur les caisses.