Quels sont les facteurs décisifs pour la performance?
Face aux personnes venues assister à la conférence, Stephan Skaanes a levé le voile sur la «cuisine des placements» pour trouver la meilleure recette en matière de performance. A cette fin, il a passé au crible les résultats des placements obtenus au cours des dix dernières années par 85 caisses de pensions avec une fortune de 281 milliards de francs. En moyenne, celles-ci ont dégagé une performance de près de 5.5% p.a. (médiane); la fourchette de rendement des différentes caisses s’est établie entre 3.4% et 7.2% p.a., soit un écart de performance de près de 4% qui représente beaucoup pour les assurés. Quels sont les facteurs responsables de cet écart?
Tactique et style d’investissement
Les décisions tactiques prises au sein du comité de placement font-elles la différence? Non. Les écarts observés par rapport à la stratégie d’investissement ont été si faibles, y compris parmi les caisses qui prennent des décisions tactiques, que celles-ci ne pèsent guère dans la performance d’un point de vue technique. La décision en faveur de l’investissement actif ou passif, «thème favori» de la presse spécialisée, n’a pas eu plus d’effet: les mandats actifs comme passifs se sont en moyenne très peu écartés de l’indice de référence au cours de la période analysée, a précisé Stephan Skaanes. Les surperformances ou sous-performances respectives des styles d’investissement ont été plus ou moins équilibrées.
Est-ce une question de coûts?
Les frais de gestion de la fortune figurent également parmi les suspects habituels. Est-ce qu’ils engloutissent la performance? Non. Aucun lien statistiquement significatif ne peut être établi entre les frais de gestion de la fortune et la performance de la fortune globale. Isoler les composantes des coûts est de toute façon problématique en soi, car les frais varient en fonction de l’allocation d’actifs. Les caisses de pensions ont atteint en moyenne le rendement de l’indice de référence – un bon résultat, constate Stephan Skaanes, car l’indice de référence se calcule sans les coûts.
Que mesurons-nous?
La taille de la caisse de pensions n’explique pas non plus les écarts de performance dans l’analyse. A cet égard, Stephan Skaanes souligne que l’on doit toujours se demander ce que l’on mesure exactement. En l’espèce, il est fort probable que la mesure porte moins sur la taille que sur les différences structurelles. A titre d’exemple, les petites caisses sont rarement dotées d’une structure «overlay» visant à gérer les risques de change, car leur taille ne le justifie pas. Il en résulte des fluctuations plus importantes pour une performance à peu près équivalente sur le long terme, dans la mesure où les variations des taux de change finissent par s’équilibrer. Des réflexions analogues valent pour la structuration des investissements immobiliers, qui varie en fonction du volume de placement.
Est-ce une question de risque?
Réponse brève et peu surprenante: oui. Le facteur de loin le plus décisif pour la performance est le risque de placement encouru. A cet égard, un lien statistiquement significatif est établi entre les actions, l’immobilier, les obligations et la performance globale: plus il y a d’actions, plus la performance est élevée, plus il y a d’immobilier, plus la performance est élevée, et plus il y a d’obligations, plus la performance est faible.
Dans le domaine des placements alternatifs, une corrélation légèrement positive est établie avec le rendement global, mais elle n’est pas significative sur le plan statistique. Stephan Skaanes évoque ici le «cas classique du verre à moitié plein ou à moitié vide»: les résultats peuvent être interprétés dans le sens qui leur convient par les partisans comme par les adversaires des investissements en question. Mais plus important que cette évaluation, pour Stephan Skaanes, est le fait que les placements alternatifs se qualifient également comme des éléments de diversification selon son analyse.
Pourquoi les caisses de pensions n’investissent-elle pas de façon plus risquée?
Pour conclure son analyse, Stephan Skaanes s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles certaines caisses de pensions investissent de façon plus risquée que d’autres. Afin de trouver une réponse, il a étudié les facteurs qui influent sur la capacité de risque d’une caisse de pensions. Le degré d’enveloppement de la caisse présente un lien légèrement positif avec la performance, mais qui n’est pas significatif. Au niveau de la part du capital de prévoyance technique des rentiers, comme on pouvait s’y attendre, un lien significatif est en revanche établi: plus les rentiers sont nombreux au sein de la caisse, plus la part stratégique des placements risqués est faible.
Un lien positif existe avec le degré de couverture technique et la capacité d’assainissement – mais seulement dans les caisses de pensions de droit privé et pas chez les caisses de droit public. Selon Stephan Skaanes, cela révèle également que le contribuable s’ajoute chez les caisses de droit public comme un preneur de risque supplémentaire, ce qui modifie les mécanismes.
Les pièges de la moyenne
Dans la foulée, Stephan Skaanes attire l’attention sur un élément qui est non seulement décisif pour cette analyse, mais rend également très difficile la discussion sur le 2e pilier dans son ensemble: «La caisse de pensions suisse moyenne n’existe pas», affirme-t-il. La branche est incroyablement hétérogène, chaque caisse est confrontée à des défis qui ne sont propres qu’à elle.
On peut néanmoins constater que ce ne sont pas les facteurs fréquemment mentionnés de la gestion, de la tactique, des coûts ou de la taille de la caisse qui sont responsables d’une bonne performance, mais avant tout le risque de placement encouru. Pour le résumer en bon français: «It’s the structure – not the skills.»