«Prévoyance Professionnelle Suisse» 06/21: Comptes d’exploitation des assureurs dans le secteur de la prévoyance professionnelle

Les solutions semi-autonomes en plein essor

Le processus de transformation se poursuit chez les assureurs-vie: le nombre d’assurés dans le domaine de l’assurance complète s’inscrit en recul; la croissance est recherchée du côté des solutions semi-autonomes. La pandémie n’a (encore) presque pas laissé de traces sur les comptes des assureurs.

Comme chaque année en mai, les assureurs-vie dévoilent leurs comptes d’exploitation dans le secteur de la prévoyance professionnelle. Une tradition également respectée par AXA, bien que son activité d’assurance classique soumise à la surveillance de la FINMA se réduise comme peau de chagrin depuis l’abandon du modèle d’assurance complète au 1er janvier 2019: Sur près de 360 000 assurés actifs, il n’en restait plus que 30 000 au bénéfice d’une assurance complète – un chiffre qui continuera à dégringoler à mesure que les solutions correspondantes (en particulier avec les associations) arriveront à échéance.   

En rétrospective, on peut dire que le timing d’AXA était parfait: 2019 et 2020 ont été des années fastes pour les placements financiers. Dans ce contexte, les solutions semi-autonomes deviennent nettement plus intéressantes pour les assurés aussi. Selon les dirigeants d’AXA, les assurés des solutions semi-autonomes ont ainsi obtenu 1 milliard de francs d’intérêts en plus que cela n’aurait été possible avec l’assurance complète. Après un repli suite au changement de modèle, l’effectif des assurés a retrouvé un niveau du même ordre qu’à l’époque de l’assurance complète et le capital de prévoyance a même augmenté.  

Le premier à bouger laisse des plumes

Le groupe Helvetia a lui aussi dû subir une baisse du nombre de clients après le changement de modèle: l’introduction d’un taux de conversion réduit dans le régime obligatoire, ainsi qu’une politique de souscription très restrictive en matière d’assurance complète, se sont traduits en 2020 par un net recul du nombre d’assurés et du volume de primes (ce dernier a chuté de 22% par rapport à l’année précédente). Une légère croissance a en revanche été enregistrée dans sa solution semi-autonome propre Helvetia LPP Invest ainsi que chez les fondations collectives Swisscanto.  

Au total, Helvetia compte encore près de 170 000 assurés dans le domaine LPP. Parmi eux, il en reste un peu plus de la moitié en solutions d’assurance complète alors qu’ils étaient encore deux tiers en 2018. Helvetia estime avoir choisi la bonne voie pour l’avenir: en abaissant le taux de conversion, l’assureur a notamment pu diminuer la redistribution en faveur des rentiers. Après avoir évolué entre 160 et 184 mios de francs dans les années 2016 à 2019, celle-ci n’était plus que de 119 millions en 2020 – et la tendance à la baisse se poursuit.   

Le leader du marché Swiss Life a annoncé un changement de modèle pour l’année prochaine seulement – il emboîtera le pas au modèle d’Helvetia, qui a dû laisser quelques plumes en tant que premier à sauter le pas. Il est néanmoins clair que Swiss Life est aussi passé à la vitesse supérieure dans les solutions semi-autonomes, qui représentent déjà près de la moitié des affaires nouvelles. Swiss Life a également enregistré une baisse significative de ses primes brutes (18%), mais celle-ci est davantage imputable à un effet de base: 2019 était une année exceptionnellement fructueuse suite au changement de système d’AXA, avec pour conséquence un volume de primes élevé cette année-là. Sur les 505 000 assurés actifs de Swiss Life, 375 000 bénéficient de solutions d’assurance complète.

L’assureur Pax a renoncé à présenter ses comptes d’exploitation aux médias, mais a fait état de nouvelles affaires «modérées» dans la prévoyance professionnelle. Cette évolution a entraîné une forte baisse des primes uniques ainsi que des diminutions de primes – au total, les primes brutes sont passées de 473.9 à 445.2 mios de francs. Pax attribue la faiblesse des nouvelles affaires à la diminution du nombre de nouvelles entreprises créées ainsi qu’à une politique de souscription là encore très sélective. L’assureur reste attaché au modèle de garantie et mise particulièrement sur le potentiel d’une nouvelle offre où chaque entreprise affiliée est assurée à hauteur de 50% dans la solution avec garantie et 50% dans le modèle semi-autonome. 

Le besoin de réforme reste d’actualité

Si 2020 a été une année en dents de scie dans le domaine des placements, aucun des assureurs n’a senti les répercussions de la crise du coronavirus au passif: la surmortalité s’est à peine reflétée dans les engagements de prévoyance, ce qui tient sans doute aussi au fait qu’elle a essentiellement touché des personnes très âgées. Il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences éventuelles du Covid long ou d’autres effets – notamment psychiques – de la crise sur les rentes d’invalidité, car l’obligation de prestation de la caisse de pensions ne commence qu’au bout de 24 mois. Du reste, la pandémie n’a pas vraiment entravé le dynamisme du marché de la prévoyance: AXA s’est notamment montré positivement surpris par le nombre de nouvelles affiliations.

Les dirigeants des trois assureurs qui ont fait une présentation aux médias sont tous d’accord sur le fait qu’une réforme de la LPP reste urgente et nécessaire. Lors de sa conférence de presse, Swiss Life a estimé que 25% de son effectif était assuré dans le cadre d’un régime proche de la LPP et serait donc effectivement concerné par une baisse du taux de conversion minimal. Selon l’assureur, il faut toutefois tenir compte du fait que la part des assurés proches de la LPP à l’approche de la retraite (laquelle étant la date déterminante) tend à diminuer, car les assurés âgés sont plus enclins à effectuer des rachats de cotisations qui sont en outre versés dans la part surobligatoire.   

Que ce soit par le biais d’un changement de modèle, de leur politique de souscription ou de baisses du taux de conversion: les assureurs tiennent compte des problèmes liés au taux de conversion trop élevé et à la faiblesse des taux d’intérêt. Ils ne peuvent toutefois pas les résoudre eux-mêmes: la balle est dans le camp des responsables politiques, au moins en ce qui concerne le taux de conversion.