«Prévoyance Professionnelle Suisse» 5/20: Bilan annuel de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP)

Situation stable, problèmes non résolus

Autant l’année 2019 était réjouissante pour les caisses de pensions, autant la chute a été brutale ce printemps. Dans ce contexte, le bilan annuel de la CHS PP est lui aussi scindé en deux: fin 2019, les feux étaient plus ou moins au vert à l’exception du thème de la redistribution. Fin avril 2020, ils étaient déjà repassés à l’orange.

A la fin de l’année 2019, les caisses de pensions sans garantie étatique affichaient un taux de couverture moyen de 111.6%. Quasiment aucune caisse n’était en découvert. Fin avril 2020, la situation apparaît tout autre: une estimation de la CHS PP indique un taux de couverture de 105.6% et une situation de découvert pour un quart des caisses de pensions (sur une base pondérée du capital).  

A l’occasion de la conférence de presse annuelle de la CHS PP, sa présidente Vera Kupper Staub a souligné que l’évolution actuelle représentait un défi important pour le 2e pilier. Mais «la plupart des institutions de prévoyance devraient, grâce à la bonne situation des taux de couverture avant la crise, être en mesure à moyen terme d’en supporter les effets sur leur stabilité financière», selon Mme Kupper Staub – à condition que la crise ne s’aggrave pas encore.

Les promesses d’intérêts et les institutions collectives suscitent des inquiétudes...

Outre la crise, trois points inquiètent la présidente de la CHS: premièrement, le problème politique des taux de conversion trop élevés n’est toujours pas résolu. Les caisses de pensions abaissent certes leurs taux de conversion dans la mesure où leur taux d'enveloppement le permet, mais elles sont toujours à la traîne par rapport à l’évolution des taux d’intérêt. Une comparaison entre la situation d’avant la crise actuelle et le contexte qui a précédé la crise financière de 2008 l'illustre bien: en 2007, le taux d’intérêt technique moyen était encore de 4%. Aujourd’hui, il se monte à 1.9%. Toutefois, le risque lié aux promesses d’intérêts est plus élevé qu’à l’époque: le rendement des obligations à 10 ans de la Confédération est passé de 3.1 à -0.6% sur la même période, de sorte que l’écart entre les promesses d’intérêts et le taux sans risque a nettement augmenté.

Le deuxième point concerne les institutions collectives et communes: en raison de leur importance croissante, de leur structure parfois complexe et de la pression exercée par le marché pour faire primer l'attractivité sur la stabilité, elles sont déjà depuis longtemps sur le radar de la CHS PP. Les pertes sur les placements ainsi que les problèmes actuels de nombreuses PMU, clientes des institutions collectives, aggravent la situation. Les directives annoncées il y a déjà un certain temps sur les institutions collectives se feront toutefois encore attendre: La CHS PP prévoit de «terminer l’élaboration de directives relatives aux institutions collectives ou communes d’ici le quatrième trimestre 2020».

… et la bombe à retardement des fondations de libre passage est toujours en marche

Troisième point, les fondations de libre passage: ces dernières sont confrontées à un  «problème menaçant leur survie» car l’application d’un taux d’intérêt négatif est interdite pour les comptes de libre passage. L’Institution supplétive est particulièrement concernée par ce problème: conçue à l’origine comme filet de sécurité dans le domaine du libre passage, elle gère aujourd'hui 14.2 mias de francs et 1.2 mio de comptes représentant un quart de la totalité des avoirs de libre passage suisses et plus de la moitié des comptes.    

Selon Manfred Hüsler, directeur du secrétariat de la CHS PP, cette situation intenable ne pourra se résoudre que par deux mesures qui se situent d’ailleurs en dehors du champ d’action de la CHS PP: soit les institutions de libre passage doivent être exclues de la doctrine des taux négatifs de la Banque nationale suisse (BNS), soit le législateur doit les autoriser à répercuter les taux négatifs sur les titulaires de compte.

Dans quelle direction allons-nous?

2020 marque le début d’une nouvelle période de mandat pour le Conseil fédéral, mais aussi pour la CHS PP. Pour la période 2020-2023, la CHS PP s’est fixé les objectifs stratégiques suivants:

  • mettre en application dans le système de la prévoyance professionnelle une surveillance uniforme et axée sur les risques encourus,
  • assurer une gouvernance transparente et fiable de tous les acteurs du 2e pilier,
  • renforcer les compétences de toutes les personnes et institutions impliquées dans la mise en œuvre de la prévoyance professionnelle.

Il reste à souhaiter à la CHS PP qu’elle puisse se consacrer efficacement à ces objectifs stratégiques dans les mois et années qui viennent et ne s’en laisse pas écarter par une crise qui s'aggraverait.

Le numéro de mai de «Prévoyance Professionnelle Suisse» est consacré au thème de la surveillance. Vous pourrez notamment y découvrir un article de Manfred Hüsler ainsi qu'un entretien avec Vera Kupper Staub et Roger Tischhauser, directeur de l’autorité de surveillance LPP et des fondations de Zurich et président de la Conférence des autorités cantonales de surveillance LPP et des fondations.