«Prévoyance Professionnelle Suisse» 7/22: Niveau de prestations des caisses de pensions

Si nous ne faisons pas attention...

Dans une analyse actuelle, l’Union syndicale suisse (USS) met en garde contre le risque d’une «génération perdue» dans les caisses de pensions. L’analyse a déclenché un débat dans la presse quotidienne. Son contenu est à découvrir dans le numéro 7/22 de «Prévoyance Professionnelle Suisse.» Résumé d’un entretien avec Gabriela Medici (USS) et Hanspeter Konrad (ASIP).

L’USS dresse ce constat: depuis 10 ans, les assurés cotisent toujours plus dans le 2e pilier pour des prestations qui ne cessent de diminuer. Hanspeter Konrad juge cette affirmation «très schématique, il est simplement inexact de dire cela. Une grande partie de la baisse du taux de conversion ne correspond pas à des pertes de prestations, mais reflète l’allongement de la durée de perception des rentes et le recul des taux d’intérêt.» Les caisses auraient donc dû prendre des mesures qui devaient surtout être financées par les plus jeunes.

Gabriela Medici ne conteste pas ces causes, mais maintient que le diagnostic lui-même est exact. «Ce n’est pas très nouveau, Swisscanto dit par exemple la même chose». A partir de là, il s’agit de discuter des raisons et des conséquences possibles. Selon Gabriela Medici, «ce diagnostic sur le rapport prix-prestations dans le 2e pilier soulève toutefois également des questions». Hanspeter Konrad insiste sur le fait que l’affirmation en soi n’est pas juste sans le contexte. Dans une perspective globale, la rémunération doit également être prise en compte: «2.3% p.a. sur les dix dernières années peuvent paraître modestes à première vue, surtout si l’on considère les rendements des dernières années. Mais si vous faites la comparaison avec ce que votre banque vous verse ou avec la règle d’or, c’est beaucoup plus élevé.»

Y a-t-il une génération de perdants?

Selon Gabriela Medici, le sujet de la discussion n’est «pas de savoir si les caisses de pensions ont pris les bonnes ou les mauvaises mesures, mais de regarder où nous en sommes aujourd’hui. L’espérance de vie est désormais intégrée dans de nombreuses caisses de prévoyance par le biais des tables de génération, et nous verrons bien comment les choses évoluent au niveau des taux d’intérêt.» La discussion vient précisément d’être lancée «parce que nous constatons que la sécurité des caisses a fortement augmenté. Il s’agit maintenant de prouver que des caisses sûres vont en faveur des assurés. Pour le moment, les assurés ne reçoivent pas assez», souligne-t-elle. Les provisions techniques (et non les réserves pour fluctuation de valeur) ont atteint des niveaux record, «au cours de la dernière décennie, environ 100 milliards de francs ont été consacrés à la seule baisse des taux d’intérêt techniques.» Avec le tournant actuel dans les taux, nous risquons aujourd’hui de voir une génération de perdants «qui a payé des cotisations supplémentaires ces dernières années, a été faiblement rémunérée et a pris sa retraite ou s’apprête à la prendre avec un taux de conversion bas.»

Hanspeter Konrad lui oppose que les provisions techniques ne sont pas une fin en soi. «Nous pouvons nous réjouir que les caisses soient en bonne santé et aient constitué des réserves.» Selon lui, il n’y aura pas de génération de perdants. «Les caisses ont fait leur travail, se sont stabilisées, ont constitué les provisions nécessaires et continuent à les utiliser dans l’intérêt des assurés.» Au cours des dernières années, la génération mentionnée a également toujours participé aux rendements élevés par le biais de la rémunération, estime-t-il.

«Vous avez encore parlé dans l’optique des caisses», rétorque Gabriela Medici. Elle cite l’exemple d’une enseignante âgée qui partira prochainement à la retraite avec un taux de conversion «qui est très éloigné du taux en vigueur il y a dix ans. Soit sa rente sera donc plus basse, soit elle a dû cotiser fortement en plus pour augmenter son capital. Dire aujourd’hui à cette femme que sa caisse se porte bien parce qu’elle a un taux d’intérêt technique correct n’est pas une réponse.»

«L’avantage d’une rente garantie doit également être considéré comme positif pour cette assurée», réplique Hanspeter Konrad. De nombreuses caisses ont en outre compensé la baisse du taux de conversion par des versements afin d’augmenter l’avoir de vieillesse – mais, selon Gabriela Medici, ces versements ont été en partie financés par l’enseignante, notamment via les rendements dégagés sur son capital. Hanspeter Konrad insiste sur un point: «La stabilité des caisses est nécessaire, et les assurés en profitent aussi à moyen et long terme. Si nous sommes de nouveau confrontés à des développements qui mettent en danger la stabilité financière, qui paiera? Les assurés et les employeurs seront aussi mis à contribution. C’est également pour cette raison que les provisions techniques sont utiles et non une fin en soi. Les assurés doivent pouvoir le reconnaître et le comprendre.»

Que faut-il faire?

Pour Gabriela Medici, il est désormais décisif que «les caisses de pensions comprennent que tous les assurés n’ont pas été touchés de la même manière par l’évolution des dix dernières années. Si nous ne faisons pas attention maintenant et n’admettons pas que les assurés sont affectés diversement en fonction de leur âge, qu’ils soient actifs ou retraités, nous aurons vraiment une génération perdue dans dix ans.» Il s’agit maintenant de déterminer quels assurés ont été touchés par les mesures de la dernière décennie, dans quelle mesure et ce que pourraient faire les caisses. 

Hanspeter Konrad constate que le financement par les actifs des nouvelles rentes trop élevées a mis à mal la solidarité entre générations. «Les caisses devraient maintenant élaborer un concept équitable qui tienne compte du fait que des assurés sont partis à la retraite avec des taux de conversion différents. Certaines l’ont déjà fait, beaucoup sont en voie de le faire avec des modèles de participation et de cohortes. A cela s’ajoute aujourd’hui l’inflation. C’est un point sur lequel la discussion doit également être menée.» Mais les discussions suffisent-elles? Gabriela Medici plaide pour une action rapide, alors que Hanspeter Konrad appelle à la prudence. «On ne sait pas encore comment l’inflation va évoluer et de quelle manière d’autres facteurs, comme la guerre en Ukraine, entreront en jeu. Il faut laisser un peu de temps aux caisses pour développer ces concepts.» La distinction entre les modèles de participation et la compensation du renchérissement devrait par exemple être faite, y compris sur le plan légal, ce que Gabriela Medici confirme.

Elle précise toutefois que de nombreux bénéficiaires de rentes recevront alors des versements uniques, si tant est qu’ils perçoivent quelque chose. «C’est très bien, mais cela s’apparente à la distribution de cadeaux de Noël.» Des décisions fondées devraient naturellement être prises. Mais durant les premiers mois de cette année, Gabriela Medici a été «un peu effrayée de voir à quel point ce sujet a été peu discuté par les caisses. Au contraire, lors de la clôture de l’exercice, de nombreuses caisses ont décidé de réduire une nouvelle fois le taux d’intérêt technique avec les bénéfices issus du changement de tables, ce qui ne coûte presque rien.» Et ce, bien que le taux d’intérêt technique des caisses de droit privé soit aujourd’hui globalement identique au rendement des obligations de la Confédération à 10 ans, c’est-à-dire au taux sans risque. C’est ce qui n’a précisément pas été voulu pendant des années. «Nous avons besoin d’aller vite car les taux d’intérêt accélèrent.»

Hanspeter Konrad confirme que cette discussion doit être menée. «Sur ce point, nous sommes d’accord. Il faut dresser l’état des lieux afin que les caisses se dotent d’un concept solide qui réponde aux besoins de tous les assurés.» Selon lui, il est néanmoins trop tôt pour exiger dès maintenant des adaptations du taux de conversion. Des décisions hâtives pourraient s’avérer injustes, par exemple «si l’on donne quelque chose à tel groupe mais pas à tel autre sans une analyse approfondie.»